J’ai recommencé à poser malgré les douleurs chroniques

J’ai emménagé à Dijon à l’époque des mesures sanitaires contre le Covid-21, juste après la seconde période de confinement. Je n’y connaissais aucun photographe, et en parallèle, je traînais plusieurs soucis de santé inexpliqués, toujours plus invalidants au fil du temps : certains jours, je ne parvenais même pas à tenir debout. Dans ce contexte, il me semblait particulièrement irresponsable d’essayer de poser, aussi, j’ai raisonnablement priorisé ma santé sur ma reprise photographique.

Puis, après trois mois à enchaîner les rendez-vous médicaux, devant l’échec des diagnostics et des traitements, j’ai compris que si j’attendais de me sentir prête à 100%, je ne serais plus modèle photo pendant des années. Alors, malgré ma peur d’être trop diminuée, d’être limitée dans mes poses, de ne tenir qu’un quart d’heure… je me suis lancée. Enfin, timidement : j’ai mis à jour la localisation de mon book.

Deux jours plus tard, le 6 avril 2021, j’ai reçu un premier message du photographe Edmond Nowak. En parcourant ses galeries, j’ai été impressionnée par la précision avec laquelle il éclairait les corps, et très inspirée par la poésie de ses compositions. Nous avons partagé nos aspirations, j’ai également été transparente sur ma situation. Edmond a accueilli mes inquiétudes avec une écoute sincère et une proposition simple : la séance photo durerait jusqu’à ce que je dise stop.


Notre alchimie photographe-modèle s’est révélée rapidement. Physiquement, cela a été difficile, mais nous avons fait autant de pauses que je le souhaitais, et nous étions tous deux ravis de nos photos ensemble. Pour ma part, tout cela était inespéré pour cette reprise pleine de doutes et d’appréhensions…

Au fil des projets, notre entente artistique comme humaine a continué de s’approfondir. Aujourd’hui encore, Edmond fait partie des photographes qui comptent le plus pour moi. Notre seconde séance ensemble a eu lieu le 2 juin 2021, et c’est de celle-ci qu’est issu le cliché de ce billet.

À cette époque, je souffrais particulièrement du parasite qui occupait mon système digestif, avec les conséquences qu’on imagine : je maigrissais, j’étais épuisée, je fuyais les miroirs… Un autre problème persistant concernait mon dos, qui bloquait l’usage de ma jambe gauche malgré la rééducation que j’avais entamée chez un kinésithérapeute.


Les jours précédant cette seconde séance, j’ai effectué mes soins habituels, auxquels j’ai ajouté tout un tas de précautions entre régime sans FODMAP pour limiter les maux de ventre, assouplissements articulaires sans étirements, collations spéciales et anti-douleurs dans le sac… Ce qui deviendra ma nouvelle routine de préparation, indispensable et rassurante pour toute la suite de mon errance médicale.

Car c’était comme si mon corps m’échappait, tel un étranger. J’ai dû l’apprivoiser à nouveau, le regarder sans jugement, l’accepter dans ses faiblesses… et je m’y suis enfin reconnectée. C’est devant le résultat en images, devant cette photo-ci, que je l’ai vraiment réalisé.

Jamais je ne me serais crue capable d’habiter pleinement ce corps malade, de le trouver beau et puissant dans son état émacié. De retrouver son pouvoir évocateur, de créer tant de nouvelles choses avec lui…

Cette révélation, ce retour presque impensable à la photographie, cet élan extraordinaire pour ma rémission, je les dois à Edmond qui m’a offert toute la confiance que je ne m’autorisais plus.

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Modèle : Caroline Y. Monin
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Photographe : Edmond Nowak
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